Accueil > Actualités > La crise de 2020 n’est pas celle de 2008 !

Actualités

une note du pôle économique de la CGT

La crise de 2020 n’est pas celle de 2008 !

lundi 4 mai 2020, par CGT Educ’Action 94

I/ Quelle causes à la crise ?

Crise de 2008, une crise financière qui contamine l’économie réelle
La crise de 2008, dite des « subprimes », trouve son origine dans les secteurs bancaires et financiers. Les banques ont octroyé massivement des prêts hypothécaires à des ménages n’ayant à l’évidence pas les garanties nécessaires pour s’endetter. On parle de prêts NINJA (« No Income, No Job, No Assets » qui peut se traduire par « pas de revenu, pas de travail, pas de ressources »). Pour attirer ces clients, les banques proposaient des taux d’intérêt faibles, qui devenaient des taux variables au bout d’un certain temps.
Cette politique de crédits attribués aveuglément par les banques permettait un recours important au crédit et stimulait fortement le marché immobilier ainsi que la demande américaine.
Les banques revendaient ces crédits sur les marchés financiers par morceaux sous forme de titres (la fameuse « titrisation »), cela permettait de les sortir de leurs bilans et donc de multiplier les crédits (et les commissions pour les banquiers). Pour cacher cette supercherie, ils faisaient notamment des « packages » de crédits « subprimes », ainsi si quelques-uns faisaient défaut, ce qui était probable, les autres devaient permettre de compenser ces pertes.
Quasiment toutes les institutions financières détenaient de ces titres. Cette diffusion du risque prise par les banques américaines dans l’économie mondiale est le résultat de la dérégulation financière, à son paroxysme avant cette crise.
Or lorsque la période d’appel s’est écoulée et que les taux sont devenus variables, de plus en plus de ménages n’ont pas pu rembourser leur crédit et se sont retrouvés en défaut de paiement. Les banques ont donc récupéré des millions de logements mais qui ne valaient plus rien car la demande était inexistante.
Les banques et tous ceux qui avaient acheté ces titres sur les marchés financiers se sont retrouvés avec des titres qui ne valaient donc plus rien. Cela a entraîné une crise de liquidités (argent disponible et nécessaire pour assurer la fluidité des échanges, c’est-à-dire le « cash »).
Les banques se sont retrouvées endettées et ne se prêtaient plus entre elles car la méfiance régnait. Le manque de liquidités et les difficultés des établissements bancaires ont fait chuter les cours de la Bourse.
Les banques ont stoppé les prêts aux entreprises ce qui a amené à un manque cruel d’investissements et de liquidités qui financent les cycles d’exploitation. De plus, les épargnants, notamment les fonds de pensions, ont perdu une grande partie de leur épargne avec l’effondrement des cours boursiers et les pertes dus aux crédits non remboursés.
C’est ainsi que cette crise financière a contaminé l’économie réelle, et a entrainé des plans de licenciements massifs dans l’économie.
Il s’agit d’une crise structurelle. C’est-à-dire que le système économique a provoqué sa propre crise car il était bâti sur des fondations non viables. La dérégulation financière a entraîné sa propre chute et l’économie réelle avec elle.

Pour la crise actuelle, la cause est différente.
L’élément déclencheur de la crise actuelle est une épidémie, c’est donc un élément sanitaire, à première vue extérieur à l’économie (il est possible de discuter de la responsabilité de l’économie dans l’origine et la propagation de l’épidémie mais tel n’est pas le sujet ici).
Il s’agit d’un élément déclencheur portant atteinte à une économie aux fondements fragiles comme l’expliquent F. Boccara et A. Tournebise (1). La structure de l’économie et l’interdépendance des économies ont contribué à ce que le choc économique se propage bien plus vite que l’épidémie. Ainsi l’économie française connaissait déjà des remous dès le début du mois de février alors que la France ne comptait pas encore de cas de coronavirus.
L’importance toujours accrue de la finance risque de décupler l’impact de cette crise sanitaire sur l’économie. Paradoxalement, la baisse du prix du pétrole, qui s’explique par la baisse de la demande lié à l’arrêt de multiples usines et à la faible mobilité des citoyens, va également peser fortement sur l’économie comme l’indiquent M. Aglietta et S. Khanniche (2).
C’est donc un choc extérieur à l’économie qui vient déclencher une crise dans une économie structurellement fragile et donc instable.

II/ Choc d’offre ou demande ?

2008, la demande en péril
La contagion de la crise financière vers l’économie réelle décrite précédemment s’est ainsi traduite par des vagues de fermetures d’entreprises et ainsi une montée importante du chômage. Mais les fermetures s’expliquent d’abord parce que de nombreux ménages ne pouvaient plus maintenir leur niveau de consommation et les entreprises ne pouvaient plus investir.
La baisse de l’emploi et l’augmentation du chômage a donc impacté fortement les revenus des ménages et donc leur consommation. Le problème était alors une insuffisance de la demande. Pour relancer l’activité, il fallait donc réussir à stimuler la demande. C’est ce qui a justifié les plans de relance massifs des grandes économies mondiales.
Malheureusement, de nombreux pays ont rapidement changé de stratégie et ont opté pour la rigueur budgétaire afin de combler les déficits accumulés pendant la période de relance. Cela a fortement limité l’efficacité de ces plans de relance.
Toutefois, ce n’était pas la première fois que l’économie mondiale était confrontée à une demande insuffisante, le mal étant connu, le traitement économique l’était également, même si son application prête à débat.
Aujourd’hui la situation est différente, les crises de cette nature sont inédites dans l’histoire économique contemporaine.

III/ Réponse à la crise : ne pas reproduire les erreurs de 2008
En attendant cette possibilité de reprise de l’activité, la question immédiate est celle du financement des dépenses publiques. Est-ce légitime que ces dépenses, venant en réponse à une crise sanitaire, provoque une augmentation de la dette des États ou ces dépenses devraient-elles être prises en charge par la Banque Centrale Européenne et ne pas donner lieu à un remboursement ? C’est la question prééminente aujourd’hui.
Il ne fait pas de doute que dans les rangs du patronat, avec le soutien plus ou moins actif du gouvernement, la crise actuelle servira d’alibi pour continuer l’agenda néolibéral (suivant la ’stratégie du choc’ ( [1]) ; le code du travail a déjà été mis entre parenthèses, et on entend déjà la musique du « travailler plus pour relancer l’économie », alors qu’il faudrait travailler tous-tes. Nous n’avons pas non plus oublié les cures d’austérité qui ont suivi la crise de 2008, avec des conséquences dramatiques en Grèce. Cette fois c’est l’Italie et l’Espagne qui sont en première ligne, mais la France ne fera pas exception à la volonté de diminuer les dépenses publiques rapidement. Le risque est d’enfoncer les pays dans la récession économique, et de faire payer systématiquement aux mêmes les conséquences de la crise, quand le gouvernement continue de bégayer pour répondre à la question « faut-il remettre en place l’ISF ».

Nos propositions revendicatives sont d’autant plus légitimes pour éviter une crise économique et sociale :
Au contraire, la crise doit être l’occasion de tout reposer à plat et d’avancer nos propositions pour une économie au service des besoins et respectueuse de l’environnement.(4) Impôt sur le patrimoine, réorientation des financements publics, vaste plan d’investissement, voilà les réponses qui devraient être au cœur des réflexions économiques. Si les deux crises sont différentes, espérons que les réponses apportées le seront aussi !
En effet, une fois que l’activité économique pourra reprendre dans des conditions sanitaires assurant la sécurité des travailleurs, une stimulation de la demande sera certainement nécessaire pour redémarrer l’activité. Cette relance donne d’autant plus de poids à nos propositions CGT autour de la revalorisation générale des salaires, l’augmentation des minimas sociaux, du SMIC... Même si pour notre organisation ces mesures devraient être prises dès à présent.
Enfin, le retrait des ordonnances régressives l’abandon de la réforme des retraites comme l’arrêt de la réforme de l’assurance chômage sont nécessaires pour répondre à l’urgence sociale.

 [2] La stratégie du choc est une idée de Naomi Klein ; pour l’autrice, il est plus facile de faire avancer des contre-réformes libérales en période de Crise. Le Chili de Pinochet est régulièrement cité en exemple.

Montreuil, le 29 avril 2020


[13

[23