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CTSD Val de Marne du 5 février 2020-Déclaration CGT éduc’action

dimanche 23 février 2020, par CGT Educ’Action 94

« Ne parlez pas d’acquis sociaux mais de conquis sociaux car le patronat ne
désarme jamais » (Ambroise Croizat)
.
Notre territoire est actuellement traversé par un mouvement social inédit, dans sa
durée comme dans sa nature. La CGT, qui est sur le pont depuis des mois pour
impulser les mobilisations dans un cadre intersyndical, se félicite de voir que de
nombreux citoyens relèvent désormais la tête et contestent activement les choix de
société catastrophiques que le gouvernement essaye d’imposer. Nous sommes
largement soutenus en cela par des sondages d’opinion qui légitiment notre lutte. Ce mouvement frappe par sa diversité, sa créativité, son dynamisme, mais aussi par son sens aigu de la solidarité et du collectif.
Dans notre département, les actions interprofessionnelles ont fleuri sans
discontinuer, y compris pendant la période des fêtes. A cette occasion, les
personnels de l’éducation que nous sommes, et qui adorent par dessus tout les
progrès, se félicitent de toutes les acquisitions en cours : depuis le 5 décembre, les
salarié.e.s ont fourni des efforts considérables en maths, en français et en histoire
sociale pour arriver à comprendre l’usine à gaz de la réforme des retraites. Les
performances artistiques les plus variées se multiplient pendant les manifestations
(musique, chant choral, poésie, arts plastiques, théà¢tre…) et des bons prodigieux ont été faits en décryptage des médias. Quand aux avocats, ils sont devenus
multisports ! A la grande joie de la CGT, tout le monde s’intéresse désormais aux
métiers du technique, du ferroviaire aux raffineries en passant par les incinérateurs
de déchets et les égouts du Val de Marne, qui passionnent les manifestant.e.s. Les
dockers regardent plein de ballets classiques et la confédération paysanne met les
bouchées doubles pour préparer des petits plats aux cheminots, devenus eux mêmes incollables sur les E3C pendant que les danseuses de l’opéra sont passées
expertes en sciences politiques. Les magistrats font la pose sur les marches des
palais de justice avec des gilets jaunes, des femmes de chambre, des électriciens
gaziers, des éboueurs, des douaniers et des personnels du Louvre ou de RadioFrance, ce qui permet de faire de très jolis portraits de groupe. Car enfin, et comme le disait le regretté Pierre Dac, « il veut mieux être piquet de grève que par un scorpion » et de fait, nos piquets de grève sont devenus autant d’écoles à ciel ouvert, o๠tout le monde profite du meilleur des autres. En cette année anniversaire de sa mort, le roman de Georges Orwell intitulé « 1984 » est devenu un best-seller, qui se lit dans les dépôts de bus désertés, les déchetteries bloquées, les métros arrêtés et même sur les plaques d’égout.
Pendant qu’Emmanuel Macron s’étiole tout seul dans son palais transformé en
bunker, les français « immobilistes » qui « refusent de bouger » sont devenus
beaucoup plus « en marche » que lui et multiplient chaque jour les manifestations au grand air, tout en se penchant avec un intérêt croissant sur leur avenir politique. Ce mouvement social a pris les allures d’une guérilla protéiforme qui s’inscrit maintenant dans la durée. De jour comme de nuit, ce gouvernement n’aura plus jamais de répit, car enfin, si le capitalisme divise, les luttes sociales ressoudent. De ce point de vue, ce mouvement est d’ores et déjà une grande réussite. Ce gouvernement, qui ne tient plus que par sa police et dont le « projet » se résume désormais à dégringoler dans les sondages en multipliant les actes de répression autoritaire, le paiera très cher jusqu’à la fin du quinquennat.
Emmanuel Macron et ses ministres infantilisants se comportent à l’égard des
grévistes qui contestent sa politique comme avec une classe agitée. A court de
solutions, ils multiplient les mots sur les carnets ramassés au hasard, les menaces,
les sanctions arbitraires, les punitions, les séjours au piquet et les heures de colle,
sans oublier les gardes à vue, les tirs de LBD et les grenades de désencerclement.
On est désormais bien loin du discours paternaliste sur la réforme qu’il fallait nous
« expliquer » avec « pédagogie ». Le bourrage de crà¢ne a désormais laissé place
aux coups de matraque et aux atteintes répétées aux libertés publiques. Quel
pitoyable aveu d’impuissance !
La CGT est aussi en première ligne pour essuyer toute la dureté de ce mouvement
social qui est avant tout un combat. Contrairement à ce que certains s’imaginent, les journées de grève ne sont pas des parties de farniente. En réalité, elles sont très
éprouvantes pour celles et ceux qui les font, et pas seulement sur le plan financier.
Depuis le 5 décembre, nous déplorons des blessés graves, mais aussi, hélas, des
suicides. La désespérance des salarié.e.s poussé.e.s à bout n’est pas une vue de
l’esprit. Cette situation est intolérable. Nous ne laisserons aucun répit à tous les
responsables de ces vies brisées : ils devront répondre de leurs actes.
Pour l’heure, le pouvoir aux abois persiste dans son déni de la réalité. Alors que
nous nous efforçons jour après jour d’inculquer à nos élèves les bases de la
démarche scientifique, alors que nous les invitons à vérifier sans arrêt leurs sources,
alors que nous leur apprenons à raisonner à partir de faits tangibles, le
gouvernement s’évertue à tordre le réel afin de le faire correspondre à son business
plan. On pulvérise désormais tous les sommets de l’absurdité : que répondre à 
Sibeth Ndiaye lorsqu’elle nous affirme sans rire que le risque de maladies cardiovasculaires est plus élevé pour ceux qui partent en retraite plus tôt ? Que répondre à M. Blanquer lorsqu’il prétend que la réforme des lycées généraux et professionnels est une réussite ? Que répondre à ceux qui osent affirmer que les femmes seront les « grandes gagnantes » de cette réforme ? Que répondre à notre président lorsqu’il prétend que la pénibilité au travail n’existe pas ? Que faire d’un député qui refuse d’admettre que l’opposition à la réforme des retraites est majoritaire ? Quelle sera la suite de tout cela ? Est-ce qu’on finira par nous dire qu’il fait jour en pleine nuit ou que deux plus deux font douze ? Cette situation est d’une extrême gravité car elle induit un effondrement de la pensée rationnelle. Comment peut-on encore discuter et à plus forte raison laisser les clefs du pays à une bande d’irresponsables qui semble vivre dans un monde parallèle ?
Ce mouvement social a également imposé l’irruption du monde du travail et des
syndicats progressistes sur une scène médiatique qui ne nous ménage pourtant pas
et qui se plait à nous invisibiliser en permanence. Drapé dans sa suffisance, le
gouvernement s’obstine à contourner les corps intermédiaires, ce qui n’aboutira
évidemment à rien, sinon à faire retourner tout le pays vers l’époque pas si lointaine des fourches, des jacqueries, des pavés et des barricades. Qu’il continue dans cette voie et il aura de nouveau des barricades, des pavés, des jacqueries et des fourches.
La nouvelle réforme des retraites, dans sa version récemment retoquée par le
conseil d’état, est encore plus régressive et mal ficelée, avec une étude d’impact
complètement bà¢clée, un coà »t faramineux pour les générations futures et des
dangers potentiels énormes. Comment a-t-on pu en arriver à un tel degré
d’amateurisme ? Et à quoi rime cette obsession à la maintenir ? Même le MEDEF
refuse que cette réforme s’applique au patronat, ce qui est quand même un signe !
Alors que les « régimes spécifiques universels » se multiplient désormais comme
des petits pains, on n’avance toujours pas d’un millimètre dans l’éducation nationale, o๠la plus grande confusion est de mise : alors qu’il faudrait au minimum dix milliards et demi pour espérer une revalorisation décente, le gouvernement table sur 500 millions en 2021, le double en 2022 et le triple en 2023 sur la base d’une vague loi de programmation jugée inconstitutionnelle. Nous voilà bien. Au demeurant, ce qu’une loi a fait, une autre peut très bien le défaire et le gouvernement actuel ne maà®trise plus que deux années budgétaires (si tant est qu’il arrive au bout de ce pathétique quinquennat). A l’heure actuelle personne n’est capable de nous dire clairement ce qui va se passer pour les personnels, à qui on fait miroiter une hypothétique augmentation de 47 euros bruts par mois (même pas pour tout le monde) soit 1,56 euros par jour. De qui se moque-t-on ?
Lorsque Jean-Michel Blanquer était Recteur de Créteil, on avait coutume de parler
de lui en ces termes : « il y a des jours o๠il n’écoute rien et des jours o๠il n’écoute
jamais, ça dépend des jours… » Toujours fidèle à sa méthode, notre ministre a
atteint lui aussi des sommets dans le déni de la réalité, que ce soit sur le calcul
ahurissant du taux de grévistes, les effets délétères de sa politique sur le terrain, le
nombre d’établissements perturbés par les E3C, y compris dans notre département,
sans parler de toutes les coupes budgétaires qui sont « pour notre bien ». A-t-on
déjà vu un ministre de l’éducation haà¯r à ce point les personnels et les élèves ?
Avec les DHG qui sont en train de tomber, le ministre allume encore une nouvelle
mèche dans sa course en avant vers la démolition de l’école publique. Les chiffres
parlent d’eux-mêmes : au total, pour revenir au taux d’encadrement de 2011, il
manque désormais 1 845,867 ETP dans notre académie. Le Val de Marne n’est pas
du tout épargné par le marasme et subit à lui seul une perte de 343,77 heures
(19,09 ETP) pour – 107 élèves, soit 299 heures postes en moins.
Au fond, le seul projet de M. Blanquer pour l’école publique, c’est que tout le monde la quitte, que ce soit par lassitude, par épuisement, par écoeurement ou par burn out.
Dans le même temps, celui-ci déroule le tapis rouge aux officines privées partout oà¹
il le peut, et ne s’en cache même plus, comme on a pu le constater encore cette
semaine à l’occasion du « club de l’audace » ( !) Lorsqu’on interroge les personnels
du département sur leur DHG, la métaphore qui revient le plus souvent est celle d’un fragile écosystème, d’un subtil équilibre à préserver pour que les établissements continuent à fonctionner tant bien que mal, au prix d’efforts surhumains fournis par les équipes. La politique ministérielle est vécue partout comme un insupportable coup de pied au visage. Que se passera-t-il ensuite ? « Une fois que tous les dégoà »tés auront quitté l’éducation nationale, il n’y restera plus que les dégoà »tants », comme dit le proverbe.
Dans de nombreux collèges, c’est désormais l’enfer et nous aurons l’occasion d’y
revenir au cas par cas. Trop d’établissements se retrouvent avec des classes en
moins, des heures supprimées des quantités incroyables de HSA à absorber. Les
DHG sont devenues squelettiques. Les élèves à besoins particuliers sont
complètement sacrifiés. Pour avoir un aperçu du marasme, on pourrait citer en
exemple les enseignants de lettres, qui assuraient autrefois l’ensemble de leur
service avec deux classes. Au fil des ans, ils sont passés à trois, puis quatre… pour
réaliser aujourd’hui avec horreur qu’ils pourraient même en avoir cinq ! Toutes les
autres disciplines se retrouvent touchées de la même manière. Dès lors, comment
s’étonner du creusement des inégalités, mais aussi des résultats de Pisa, qu’on nous renvoie sans arrêt à la face pour nous culpabiliser ? Année après année, le temps que l’on peut consacrer à chacun de nos élèves se réduit de manière affolante.
La taylorisation progressive de nos tà¢ches nous donne l’impression de « visser des
boulons » de manière deshumanisée au lieu d’enseigner, à l’image de Charlie
Chaplin dans « les temps modernes ». Les coupes budgétaires les plus mesquines
touchent désormais tous nos secteurs d’activité. Pourtant, dans l’éducation comme
dans le prêt-à -porter, on sait depuis longtemps que la qualité est toujours plus
économique. Et le choix de l’école low cost continue à coà »ter « un pognon de
dingue ». Dans le même temps, l’éducation nationale sert en permanence de vache
à lait pour des entreprises privées qui n’en finissent plus d’engraisser sur le dos du
contribuable. Pour quel résultat ? Pendant que l’école publique est saignée à blanc,
on apprend à grands renforts de publicité que des milliards seront vont être investis
dans un S.N.U. dont personne ne veut. Qu’en pense M. Darmanin, le ministre des
« comptes publics » ?
Les mobilisations qui se poursuivent actuellement dans l’éducation nationale ne
concernent pas que les retraites. Les personnels ont pris conscience depuis
longtemps de l’effondrement intérieur qui menace tout le système. Les notions même d’égalité républicaine et de mission de service public ne sont plus qu’un lointain souvenir. En admettant qu’une volonté politique émerge un jour pour inverser cette logique mortifère, Il faudra au moins vingt ans pour que l’école, mais aussi le pays, se remettent de ce qui est en train de se passer. Pour certains de nos élèves, c’est déjà trop tard. Emmanuel Macron s’est rangé définitivement du côté du capital et fait désormais usage de l’état en le retournant contre les salariés les citoyens et la jeunesse.
Nous voudrions terminer cette déclaration en évoquant le film de Ladj Ly, qui
s’appelle « les Misérables ». Ce film a suscité des réactions diverses mais peu
importe, la CGT n’est pas là pour avoir un avis dessus. On voit cependant apparaà®tre dans ce film une génération de jeunes qui nous est très familière car beaucoup d’entre eux se trouvent aujourd’hui dans nos classes. Ceux qui survivront à ce qui leur est actuellement infligé deviendront un jour adultes. Quel futur les attend ? Que deviendront leurs frères et sœurs ? Que deviendront leurs enfants ? L’évolution de la pyramide des à¢ges montre que certaines académies, dont la nôtre, se caractérisent par un taux de natalité bien plus élevé qu’ailleurs. N’en déplaise à ceux qui persistent dans le déni de la réalité, la discrimination et le mépris de classe, l’avenir de la France se trouve en partie dans l’académie de Créteil. L’année dernière, nous avons attiré votre attention sur un rapport très inquiétant concernant l’explosion des inégalités en à®le-de-France. Vous nous avez alors fait part de vos vives préoccupations à ce sujet. Quelles conclusions doit-on tirer de tout cela en découvrant les DHG calamiteuses qui nous attendent pour l’année prochaine ?
A travers tous ses combats et toutes ses revendications, la CGT porte un projet
progressiste de transformation sociale. Comme l’a écrit Bernard Thibault dans un de
ses livres, nous sommes bien dans la troisième guerre mondiale, et cette guerre
mondiale est sociale. Dans le monde, 60% des salarié.e.s n’ont pas de contrat de
travail. 74% de la population n’a pas de protection sociale. Plus d’un salarié sur 2 n’a pas de retraite. 12% des femmes seulement ont des congés maternité, 168 millions d’enfants travaillent. Il y a 45 millions d’esclaves. Un.e salarié.e meurt d’un accident du travail toutes les 15 secondes. La moitié des pays du monde bafouent les droits syndicaux et ne reconnaissent pas le droit d’association. 2 153 milliardaires possèdent à eux seuls plus de richesses que 60% de la population mondiale. Le capitalisme détruit l’environnement et fait des millions de morts. Le but est-il que tout le monde sorte enfin de la misère o๠que la France s’y enfonce à son tour ? Pour la CGT, le choix est vite fait, rien ne nous arrêtera dans notre combat pour l’égalité et pour un monde plus juste. Nous sommes prêts à en payer le prix. Prochain rendezvous aujourd’hui même, à 13 heures, place de l’Opéra. Nouvelle grève nationale demain, le 6 février.