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la sécurité sociale professionnelle

Pour ou contre une sécurité sociale professionnelle ?

vendredi 16 juin 2006, par CGT Educ’Action 94

La CGT a ouvert ce champ de réflexion dès son 47ème congrès. D’autres organisations, syndicales, patronales, politiques et associatives ont également investi cette idée avec des appellations et des contenus différents.
Cette nouvelle vision du statut des travailleurs est sans doute l’enjeu majeur des années à venir et le débat mérite de quitter le confidentiel pour se « médiatiser » davantage à la base. Ce à quoi s’attache la sécurité sociale professionnelle, c’est une nouvelle approche du contrat de travail, sujet tabou pour beaucoup et qui peut faire naà®tre des craintes fondées ou fantasmées.
Mais de quoi s’agit-il ?
Pour Florence Lefresne, dans le n° de mars du Monde diplomatique, « les enjeux sont de réinventer un statut moins arrimé au contrat de travail...et davantage lié à la personne... »
Pour la CGT, il s’agit de poursuivre un double objectif :
permettre une élévation globale du niveau des qualifications dans notre pays ; permettre que chaque salarié accède à une promotion sociale et professionnelle.
Le projet vise à ce que chaque salarié soit assuré de la progression d’au moins un niveau de qualification dans sa carrière et du doublement de son salaire entre le début et la fin de celle-ci.
La sécutité sociale professionnelle doit permettre de gagner un droit cumulable, transférable et opposable à tous les employeurs, au fur et à mesure des changements d’emploi des salariés.
Ce serait même un droit individuel, qui permettrait que ni la taille de l’entreprise, ni la branche professionnelle ou le territoire o๠exerce le salarié, ne devraient ( contrairement à aujourd’hui ) interférer avec la définition et l’exercice de ce droit.
Pourquoi envisager cette sécurité sociale professionnelle ? Ou comment se pose la nouvelle question sociale ?
La France compte durablement 3 millions de chômeurs, au total 5 à 6 millions de personnes sont écartées d’un vrai travail ou se trouvent aux frontières de l’emploi, à cheval sur un emploi précaire ou une période de chômage. D’autre part, l’exclusion et la précarité ne peut pas nous faire oublier les millions d’autres salariés, qui bien que titulaires d’un CDI, sont soumis à des contraintes d’emploi de plus en plus dures, travaillent sur des postes peu motivants, vivent des conditions de travail matérielles et morales en complet décalage avec le niveau de développement social que notre pays a atteint.
« C’est donc le travail et l’emploi, ensemble, qui, font problème ». Le sentiment d’ »insécurité sociale » persiste et s’approfondit. Le contrat de travail est aujourd’hui fragilisé. Il a besoin de s’enrichir de nouvelles dimensions.
L’indispensable retour au plein emploi ne doit pas nous interdire d’en mesurer les limites.
La population salariée en CDI est elle-même touchée par les politiques de réduction d’effectifs de grande ampleur qui s’accumulent. Le modèle de gestion de l’emploi dit des « trente glorieuses » est en crise avec la permanence d’un niveau élevé de sous-emploi et le blocage de toute dynamique salariale...
Cette mise en cause conduit à ré interroger sur les conditions de l’insertion de ce modèle social dans l’ensemble du modèle économique de croissance d’après-guerre, sur ce qui a fait son succès. Mais sur ce que sont aussi, aujourd’hui, ses limites.
Pour les libéraux, un coà »t du travail excessif pèse sur la rentabilité des entreprises ; il faudrait poursuivre la politique de flexibilisation et de pression sur les rémunérations.
Le débat public continue à s’inscrire da ns ce mouchoir de poche qu’est le « coà »t du travail », bien qu’à Paris comme à Bruxelles, on parle de « nouvelles règles » et de « nouvelles régulations » ; on évoque même le terme de « flexi-sécurité ».
Cette contradiction peut inquiéter à juste titre les salariés soumis à de fortes pressions et les inciter à compter sur une stratégie purement défensive : d’abord défendre les acquis puisque toute évolution est risquée.
Compter sur le statut quo n’empêche pas les reculs ( malgré de belles batailles ) et occulte la question du travail, de sa place dans le développement économique.
Pour être pertinente, une problématique offensive a besoin d’articuler travail, salaire et emploi de manière nouvelle. C’est la philosophie ( « une utopie réaliste : analyses et doc. Économiques n°98 ) de la sécurité sociale professionnelle.
Il faut donc protéger les capacités humaines. Relancer positivement la négociation sociale suppose un affrontement avec la logique financière et la rentabilité. La compétitivité ne peut pas être le cadre de la réforme des systèmes sociaux et politiques alors que nous rentrons dans une nouvelle civilisation informationnelle.
Une croissance durable suppose de nouveaux paris. Cela ne justifie pas les solutions libérales et appelle des initiatives pour reconstruire « de nouveaux cadres de sécurité pour l’action collective ». L’idée d’interdiction des licenciements se retournerait bien vite contre les salariés. Il faut être beaucoup plus ambitieux et créer un droit d’intégration dans l’emploi.
La sécurité sociale professionnelle veut développer un nouveau champ de garanties sociales, afin de faire barrage à la précarité du travail, aux risques de licenciements et à l’exigence de flexibilité de la part des employeurs. Ces objectifs devraient être les thèmes centraux d’une véritable refondation du contrat de travail, débouchant sur un nouveau statut du travail.

Remarques et critiques :
c’est un dispositif qui masque les chiffres du chômage, puisque chacun, entre deux emplois, se verrait offrir une formation et qu’un travailleur en formation n’est pas comptabilisé comme chômeur ;
l’analyse s’appuie sur une vision elliptique du chômage, confortant l’idée selon laquelle les politiques keynésiennes de soutien à l’emploi seraient au fond dépassées ;
cela accrédite l’idée selon laquelle émergerait un modèle d’emploi intrinsèquement instable alors que les données statistiques indiquent que la durée du lien d’emploi n’a pas baissé dans les pays industrialisés au cours des 20 ou 30 dernières années ;
que vaut une formation si elle ne débouche pas sur un emploi ? Si l’emploi vient à manquer, les formations ne risquent-elles pas de tourner à vide et au final la solution proposée par les libéraux, de devoir accepter des petits boulots pour toucher les allocations, ne s’imposera-elle pas ?
... »toutes ces considérations relèvent du pur jeu intellectuel car la source du chômage n’est pas prise en compte, à savoir l’organisation capitaliste de la société... »
« Substituer à la notion de salariat celle de sécurité sociale professionnelle est une illusion car elle s’appuie sur les conclusions du rapport Cahuc-Kramarz ( même diagnostique que le fameux rapport Camdessus ) qui préconise des solutions plus douces que la déréglementation brutale du code du travail... de nouvelles modes, qui des fonds de pension « socialemà¹ent responsables » à la sécurité sociale professionnelle, cherchent simplement à atténuer la violence sociale d’un capitalisme actionnarial qu’on éviterait désormais de condamner... »

Sont rassemblées ici les critiques les plus souvent avancées vis-à -vis de la sécurité sociale professionnelle et je refermerai provisoirement le débat en citant un membre du conseil scientifique d’Attac ( C.Ramaux ) qui répond à certaines d’entre elles : « ...Ces réserves étant posées, il est cependant un écueil : laisser entendre que la question posée, des garanties statutaires à offrir entre deux emplois est infondée. En ayant le souci d’une certaine dialectique par rapports aux critiques avancées, on peut au contraire soutenir qu’elle est doublement fondée.
En premier lieu, car on ne peut décemment pas offrir comme seule réponse aux chômeurs d’attendre les effets des politiques keynésiennes sur l’emploi. En second lieu, il faut bien admettre que si on ne compte plus les luttes » contre les licenciements », on peine à se souvenir d’une issue victorieuse d’une seule d’entre elles. Le plus souvent, elles permettent uniquement d’en améliorer les conditions. La question du statut à offrir aux sans emploi se pose donc. La notion de sécurité sociale professionnelle vise en ce sens juste.
A la double condition de ne pas en faire un substitut aux politiques économiques de soutien à l’emploi et de ne pas là¢cher la proie du droit du travail pour l’ombre du droit des reconversions, on peut même y voir l’un des axes majeur de la nécessaire re fondation de l’Etat social...On peut soutenir que le statut à bà¢tir doit viser à ce que le travailleur privé d’emploi ne soit plus considéré comme un chômeur, stigmatisé et insécurisé par de faibles ressources.
En offrant un tel statut professionnel, c’est finalement la figure même du chômeur, telle qu’elle existe depuis un siècle, que la société peut se proposer de faire disparaà®tre. »
L.Dagbert