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A l’école, nous, les non-titulaires, on est comme des fantômes

Extrait du dossier sur le précariat dans l’Humanité Dimanche

lundi 3 janvier 2011, par CGT Educ’Action 94

Extrait du dossier « Vous n’échapperez pas au précariat ! » de L’Humanité Dimanche du 16 décembre 2010

http://humanite.fr/

Témoignge de S.C., 39 ans, enseignante

Je travaille en CDD dans l’Education Nationale depuis dix ans. En ce moment, je suis prof de lettres et d’histoire dans un lycée professionnel d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Mon avenir immédiat s’arrête le 31 aoà »t 2011 : au-delà , c’est le saut dans l’inconnu ! En principe, les contractuels peuvent obtenir un CDI après six ans d’enseignement sans aucune interruption. Moi, j’ai dà » m’arrêter quelques mois…

Les non-titulaires se forment souvent sur le tas et la douleur. Je connais pas mal de collègues qui ont démissionné ou qui enchaà®nent les arrêts maladie. La précarité finit inévitablement par peser sur notre rapport au travail. Quand on ne reste qu’un an dans un établissement, il est extrêmement difficile de bà¢tir de vrais projets pédagogiques. Pour la première fois de ma carrière, j’ai pu mettre en place cette année une initiation au théà¢tre : c’est uniquement parce que je suis restée plus longtemps que d’habitude dans le lycée. Au cours de ma carrière, je suis souvent arrivée dans les classes en plein milieu d’année, ce qui est loin d’être idéal pour instaurer un rapport de confiance avec les élèves. Parfois, ils entament un petit jeu d’intimidation, sur le mode « celle-là , on va la faire craquer, elle ne restera pas longtemps ».

Les non-titulaires souffrent d’un réel manque de reconnaissance, ils sont parfois vus comme des « non-profs ». A l’école, on est un peu comme des fantômes : on débarque, on reste quelque temps en essayant de faire de son mieux, puis on repart. Nous avons moins de temps que les autres pour faire nos preuves, ce qui est d’autant plus éprouvant que nous sommes les plus contrôlés ! Je reçois la visite d’un inspecteur tous les deux ans, alors que les titulaires ne sont inspectés tous les dix ans. Quant aux rémunérations, elles fluctuent d’une académie à l’autre. Je touche 1800 euros par mois net.

Pour résumer la situation de façon un peu pessimiste, je dirai que nous sommes des profs précaires qui enseignent à des enfants qui risquent eux-mêmes de connaà®tre la précarité.

Même les profs résistent à la précarité

Tout est parti d’une promesse – encore une – de Nicolas Sarkozy. Invité à donner la réplique à de « vrais français » lors d’une émission de télé le 25 janvier 2010, il prend les caméras à témoin : « Je suis tout à fait prêt à envisager la titularisation progressive des contractuels pour ne pas les laisser dans une situation de précarité. » « Chiche ! » répondent aussitôt les syndicats. Des négociations s’engagent avec le gouvernement pour tenter d’apporter une solution aux 23 000 salariés non-titulaires de l’Education Nationale [1] , dont certains enchaà®nent les CDD d’un an à répétition.

« Nous demandons un plan de titularisation massif, sans concours ni condition de nationalité, explique Matthieu Brabant, de la CGT Educ’action. Aujourd’hui, ces salariés obtiennent automatiquement un CDI après 6 ans de travail continu. Mais CDI ne rime pas avec titularisation : ils se retrouvent baladés d’établissement en établissement. » En janvier 2011, le gouvernement devrait présenter un projet aux syndicats. « On nous promet une loi pour Pà¢ques, souligne Matthieu Brabant. Mais nous craignons des titularisations trop restreintes. » [2]
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[1] Ce chiffre ne comprend que les enseignants, CPE et COP, seuls concernés par les négociations. Il ne tient pas compte par exemple des dizaines de milliers d’assistants d’éducation (surveillants), ou encore les emplois de vie scolaire assistants les élèves en situation de handicap…

[2] Grève pour un plan de titularisation le 20 janvier 2011, après une première mobilisation le 9 décembre 2010 à l’appel de la CGT, de la FSU et de Solidaires.