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Livret scolaire : en finir avec le socle commun !
Collectif 1er degré de la CGT-Educ’action
lundi 20 septembre 2010, par
Un récent arrêté du Ministère de l’Éducation Nationale [1] définit le « livret personnel de compétences » qui doit être mis en œuvre dans les écoles élémentaires et suivre l’élève au collège.
Dans ces grandes lignes, ce livret [2] n’apporte que peu de modifications par rapport à celui qui était censé être renseigné par les enseignants de CE1 et de CM2 depuis l’année scolaire 2008-09 [3] , avec des disparités locales fortes (imposé dans certaines circonscription, jusqu’à sa transmission au collège sous forme électronique à la fin du CM2, pas usité dans d’autres).
Il inclut les attestations
de maà®trise des connaissances et compétences du socle commun au palier 1 (CE1) et ses trois piliers (maà®trise de la langue française, principaux éléments de mathématiques, compétences sociales et civiques)
de maà®trise des connaissances et compétences du socle commun au palier 2 (CM2) et ses sept piliers (maà®trise de la langue française, pratique d’une langue vivante étrangère, les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique, maà®trise des techniques usuelles de l’information et de la communication, culture humaniste, compétences sociales et civiques, autonomie et initiative)
de maà®trise des connaissances et compétences du socle commun au palier 3 (collège) et ses sept piliers
* de première éducation à la route (APER)
* scolaire de sécurité routière niveaux 1 et 2
* "Apprendre à porter secours"
* Prévention et secours civique de niveau 1
Quelques nouveautés par rapport au précédent livret :
Les parents doivent le consulter et le signer à la fin de chaque palier.
Les résultats de l’élève aux évaluations CE1 et CM2 disparaissent.
L’aspect binaire est renforcé ; les colonnes « oui » et « non »cèdent la place à une colonne unique dans laquelle l’enseignant doit indiquer la date de validation de chaque compétence [4] ; un élève de CE1, par exemple, ne pourra avoir la « compétence 1 – la maà®trise de la langue française » validée comme acquise que si la totalité des compétences réunies sous ce pilier est validée, parmi celles-ci, « conjuguer les verbes du 1er groupe, être et avoir, au présent, au futur et au passé composé de l’indicatif ; conjuguer les verbes faire, aller, dire, venir, au présent de l’indicatif »…
Le site ministériel Eduscol [5] précise que « les enseignants peuvent s’appuyer sur les protocoles des évaluations nationales en CE1 et en CM2 et des outils d’aide à l’évaluation » pour renseigner ce livret. Quand on sait la qualité desdites évaluations nationales… Si c’est l’enseignant de la classe qui procède à la validation des acquis, cela doit se faire « dans le cadre du conseil des maà®tres de cycle ».
La circulaire de rentrée 2010 [6] insiste particulièrement sur l’obligation faite aux enseignants de renseigner ce livret ; elle rappelle que celui-ci est étroitement lié au socle commun : « Assurer la maà®trise des connaissances et des compétences du socle commun par tous les élèves est l’objectif premier de la scolarité obligatoire. (…) Jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire, le livret personnel de compétences, qui rassemble les attestations de chacun des paliers dans les sept grandes compétences du socle, permet de suivre les acquisitions de chaque élève. »
Concernant le collège, la même circulaire ajoute : « L’évaluation de la maà®trise des connaissances et des compétences du socle commun, commencée à l’école, se poursuit au collège pour aboutir, au plus tard en classe de 3ème, à la validation du palier 3. (…) Les attestations de maà®trise des connaissances et des compétences du socle commun renseignées au palier 1 et au palier 2 sont des supports structurants pour la liaison école-collège. (…) Lorsque les évaluations conduites dans les différents enseignements montrent que l’élève maà®trise une compétence, la décision de la valider est prise collégialement par les membres de l’équipe pédagogique concernés. Les compétences validées sont renseignées par le professeur principal dans les attestations de palier 3. (…) À la rentrée 2010, tous les établissements disposeront, via leurs serveurs académiques, d’une application numérique, appelée "Livret personnel de compétences" (…). »
Pour la Cgt Éduc’action, non seulement la priorité de l’Éducation Nationale n’est pas d’« assurer la maà®trise » du socle commun, mais il faut en finir avec le socle commun lui-même. En effet, rien n’est plus discriminatoire que de réduire à ce socle les apprentissages. Pour les ministres de l’Éducation Nationale qui se succèdent depuis François Fillon (2004), l’objectif est de réaliser des économies de moyens sous couvert de réformes libérales qui seraient imposées par les prétendus piètres résultats des élèves français aux évaluations PISA [7] . Il nous répugne de penser qu’avant même de devenir élèves, certains enfants – issus notamment des couches sociales les plus fragilisées par le chômage, la pauvreté, l’absence de perspectives, les discriminations en tous genres – pourraient être "déterminés" comme devant se contenter d’un socle représentant à la fois un minimum et un tout suffisant. L’accès à ce qui se trouve "sur le socle" [8] serait-il par conséquent réservé aux seuls élèves à qui on aurait donné les clés de la réussite ? L’école publique serait-elle à terme vouée à ne dispenser que ces savoirs du socle, laissant le soin au privé par exemple d’enseigner les autres savoirs à une élite, comme l’y pousse déjà l’assouplissement de la sectorisation des collèges dans certains quartiers ?
Nous ne rejetons pas l’évaluation mais souhaitons le remettre à sa juste place, comme partie des apprentissages et comme outil d’aide aux progrès des élèves et non un but en soi. Une récente étude en Grande Bretagne montre d’ailleurs que « se focaliser sur les apprentissages peut améliorer la performance, alors que se focaliser sur la performance peut abaisser la performance » [9]
De la même façon, le livret scolaire, tel qu’il avait été imaginé à la fin des années 80, loin de sanctionner l’élève, doit être conçu pour l’aider à progresser à son rythme, dans le cadre des cycles. Véritable outil de communication avec les parents lorsqu’il leur est présenté, le livret permet aux enseignants de mieux cerner les acquis de l’élève ; il s’inscrit dans une démarche d’évaluation formative. À l’opposé des attestations de compétences du livret qu’on nous impose. À l’opposé du socle commun…
Nous continuons donc, à la Cgt Éduc’action, à revendiquer un service public d’éducation progressiste, non pas qui restreigne les apprentissages à un socle commun de savoirs formatés pour satisfaire au patronat [10] mais qui permette à tous l’accès à une culture commune [11] émancipatrice.
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[1] Arrêté du 14 juin 2010 paru au Journal Officiel le 1er juillet 2010
[2] Notons que la dénomination "livret" est trompeuse car ce livret ne se substitue pas au livret de compétences en vigueur depuis 1989 mais s’y ajoute.
[3] Circulaire du 24 novembre 2008, parue dans le Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale n°45 du 27 novembre 2008
[4] On notera la confusion introduite pour les parents – et les enseignants ? – entre chaque pilier dénommé "compétence" et les compétences plus précises, détaillées à l’intérieur de chaque pilier. Par exemple, le pilier 6 intitulé « compétence 6 - les compétences sociales et civiques » semble bien peu lisible…
[5] http://eduscol.education.fr/cid49889/livret-personnel-de-competences.html
[6] Circulaire du 16 mars 2010 parue dans l’Encart n°2 du Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale n°11 du 18 mars 2010
[7] dont la lecture – volontairement – erronée a amené la refonte des programmes et abouti à ceux de 2008 particulièrement rétrogrades, la justification des suppressions de postes et des RASED et le fameux socle commun. En effet, les fameuses évaluations PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) sont organisées auprès d’un échantillon d’élèves de 15 ans, tous les trois ans (2003, 2006…), par l’OCDE dont les "experts" ont une propension à réduire les déficits publics en économisant sur le coà »t des services publics, dont celui d’éducation. C’est à la suite de leur publication que les libéraux français se sont emparés de l’aubaine pour accuser de tous les maux l’École publique. Or ces évaluations, qui mesurent la « compréhension de l’écrit », la « culture mathématique » et la « culture scientifique », ne sont d’une part pas si fiables que cela (elles doivent démontrer la faiblesse des résultats des États qui consacrent "trop" de finances publiques à l’École) et d’autre part aboutissent exactement à la conclusion contraire de ce que prônent les conseillers – je n’ose dire "pédagogiques" – du Ministère de l’Éducation Nationale. Selon les résultats PISA de 2006, les élèves français n’auraient pas tant besoin d’exercices de répétition et de mémorisation puisqu’ils maà®trisent relativement bien les mécanismes en mathématiques et en français, que de progresser dans les domaines de la réflexion, de l’analyse, du réinvestissement des connaissances, du développement de leur esprit critique. Bref, la philosophie même du socle commun, si elle sert les intérêts libéraux, ne va pas dans le sens de l’amélioration des résultats attendue… Voir aussi l’analyse d’André Giordan ("Science à l’école : PISA ne dit pas l’essentiel…") sur le site du Café Pédagogique : http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2007/PISA_Giordan.aspx
[8] ou la "statue" des savoirs, selon l’expression raccourcie d’une collègue conseillère pédagogique : le socle pour les enfants d’ouvriers et d’immigrés, la statue pour les autres…
[9] “A focus on learning can enhance performance, whereas a focus on performance alone can depress performance” (Chris Watkins - http://www.ioe.ac.uk/newsEvents/43212.html). Le cas de la Finlande, si souvent cité en exemple pour justifier les dernières réformes éducatives, illustre là aussi ce point : la carte scolaire est très stricte, l’à¢ge de l’apprentissage de la lecture plus tardif, la sociologie de la population bien différente, l’école est davantage considérée comme un lieu de vie qu’un seul lieu de transmission de savoirs, la compétition n’est pas mise en avant… Si le MEN souhaite continuer à comparer les résultats de la France avec ceux de la Finlande, qu’il le fasse donc en toute transparence en prenant en compte tous les facteurs… .
[10] Il n’est pas inutile de rappeler que depuis 2004, le MEDEF applaudit à tout rompre aux réformes engagées par les différents ministres de l’Éducation Nationale…
[11] Ce n’est pas là une seule question de mots : la culture commune est celle qui va donner à tous les clefs pour décrypter le monde, l’analyser, le critiquer, accéder à une citoyenneté pleine et entière.