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Cnaf ! Jardins d’éveil : coup de force du gouvernement !

Déclaration de la Cgt, de la fédération Cgt des Services Publics, de la Cgt Educ’action

samedi 23 mai 2009, par CGT Educ’Action 94

Le gouvernement a fait inscrire l’expérimentation de jardins d’éveil dans la convention d’objectifs et de gestion de la Cnaf avec un crédit de 25 millions d’euros. Une présentation des modalités de l’expérimentation a été soumise à l’avis des administrateurs de la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) le 21 avril. Faute d’éléments suffisants le dossier a été reporté à la commission d’action sociale du 28 mai prochain.

Mme Morano vient d’exiger que ce dossier soit ré examiné en urgence au prochain Conseil d’administration de la Cnaf, le 5 mai prochain. Il s’agit d’un véritable coup de force et d’une instrumentalisation des fonds d’action sociale de la Sécurité sociale.

De nombreux acteurs et professionnels sont défavorables au développement de jardins d’éveil dont le but non avoué est de se substituer, à terme, aux premières années d’école maternelle. Les jardins d’éveil sont le cheval de Troie du démantèlement de l’école pré élémentaire dans notre pays. Quand d’autres pays, tels la Norvège et la Suède, organisent l’équivalent de notre école maternelle pour les enfants dès la fin de leur première année et transfèrent l’accueil des jeunes enfants sur leur ministère de l’Education, la France se prépare à faire le chemin inverse : déplacer le pilotage et le financement de cet accueil, de l’Education nationale sur les communes, la Sécurité sociale et les parents.

Ce n’est pas acceptable :

- pour les enfants avec la mise en cause de la qualité de l’accueil par l’abaissement des normes d’encadrement et des qualifications des personnels qui les prennent en charge,
- pour les professionnels de l’Education dont le gouvernement rêve d’économiser leurs postes
- pour les parents qui devront payer des jardins d’éveil alors que l’école maternelle est gratuite
- pour les communes sur lesquelles vont peser de nouvelles charges assumées par l’Education nationale jusqu’alors

La vérité, est que notre pays manque cruellement d’équipements de qualité pour accueillir les jeunes enfants dont les parents travaillent (plus de 800 000 naissances annuelles). Seuls 10% des enfants sont accueillis dans des structures et services pilotés et organisés avec des professionnels qualifiés. Pour les autres enfants une partie des parents est contrainte de s’arrêter de travailler, ou se tourne vers un accueil par des assistantes maternelles en gré à gré avec l’obligation de devenir l’employeur de ces salarié-e-s.

La réponse gouvernementale est, pour l’ensemble des modes d’accueil (appelés désormais modes de garde), dans l’abaissement des qualifications existantes, la baisse des normes d’encadrement, le gonflement des capacités d’accueil (4 enfants par assistante maternelle au lieu de trois maximum, 120% d’inscriptions dans les crèches au lieu de 100%...).

La Cgt dit stop à la déréglementation en cours, dont les jardins d’éveil en sont un élément stratégique. Elle demande l’abandon de leur création, la possibilité pour les parents demandeurs, d’une scolarisation de leurs enfants dès deux ans dans des conditions adaptées au sein de l’école maternelle, le développement d’un large service public d’accueil des jeunes enfants dont les parents seraient les usagers et les acteurs.

Une étude récente de l’Unicef démontre que « la bonne qualité de l’accueil du jeune enfant améliore l’ensemble de ses potentialités, contribue à améliorer ses résultats scolaires, promeut l’intégration, développe le sens civique en société, favorise l’égalité des chances pour les femmes ».

Montreuil, le 28 avril 2009


Voir aussi :

Lancement de l’expérimentation des Jardins d’éveils : Déclaration des administrateurs Cgt au Ca de la Cnaf du 5 mai 2009. Rapport Tabarot, Papon et Martin ...

Pétition à signer en ligne : Pas de bébés à la consigne

Voir : Développer l’accueil des jeunes enfants est un enjeu de société ! par A.L, CGT Educ Action Midi Pyrénées

Voir : L’accueil des jeunes enfants est une préoccupation majeure des jeunes salariés et notamment des femmes ! Document CGT et pétition


Déclaration des administrateurs Cgt au Ca de la Cnaf du 5 mai 2009  : Lancement Expérimentations des Jardins d’éveil

Les jardins d’éveil : une offre substitutive et aléatoire

Les jardins d’éveil sont porteurs de beaucoup d’inconvénients et ne présentent pas d’avantages réels dans l’expérimentation soumise à la décision du conseil d’administration.

Une concurrence pour l’école maternelle

Contrairement à ce qui est affirmé par les services de la Cnaf et Mme Morano, les jardins d’éveil visent clairement à concurrencer l’école maternelle pour économiser des postes d’enseignants.

La preuve en est apportée par la baisse continue dans la dernière décennie de l’accueil en école maternelle des enfants entre 2 et 3 ans : 14 000 enfants de cette tranche d’à¢ge non accueillie chaque année alors que l’expérimentation des jardins d’éveil programment 8 000 places avec en 4 ans. On va clairement vers un déficit important de places d’accueil de ces enfants en structure collective (Equipement d’accueil des jeunes enfants - EAJE), à moins que la volonté gouvernementale ne soit la généralisation des jardins d’éveil dès la rentrée de septembre 2010. L’Etat et l’Education nationale seraient alors complètement dédouanés pour l’accueil des enfants de 2/3 ans en école maternelle…

Un transfert de financement sur les familles et les communes

Les jardins d’éveil seront payants pour les parents. Même si l’expérimentation calcule un barème en fonction des revenus des parents qui devrait être inférieur d’un tiers à celui appliqué en crèche, les parents paieront plus cher qu’à l’école maternelle. L’école maternelle est gratuite (hors frais de cantine), laà¯que, et constitue une priorité pour l’accueil des très jeunes enfants dans les zones d’éducation prioritaire.

Les modalités de l’expérimentation présentée ouvre les fonds d’action sociale des Caf au secteur privé lucratif, qui peut être à caractère confessionnel. En effet, contrairement au financement des associations par les Caf, il n’est pas exigé une clause de laà¯cité dans le cadre de l’expérimentation.
Les communes supporteront la totalité de la charge de cet accueil, alors que jusqu’alors l’Etat y contribuait par le financement des enseignants affectés en école maternelle. Les coà »ts globaux de fonctionnement seront plus onéreux que l’école maternelle, du fait du nombre de jours d’ouverture (200 par an minimum), de l’amplitude horaire et de la présence d’éducateurs de jeunes enfants, indispensables pour développer le rôle éducatif attribué à ces nouvelles structures (assuré par les enseignants en école maternelle). Ces dépenses seront donc reportées sur la fiscalité locale dont on connaà®t l’injustice contributive, entre citoyens, entre territoires.

En école maternelle, quand l’Etat affecte des postes d’enseignants, les classes s’ouvrent. Jusqu’alors, l’accueil des jeunes enfants, hors Education nationale, reste totalement aléatoire, aucune collectivité ou institution n’ayant l’obligation d’organiser l’accueil des enfants de cet à¢ge, cet accueil dépend exclusivement de la bonne volonté politique des élus, des possibilités financières des communes, des critères de choix des directions des Caf.

Des normes d’encadrement remises en cause

Les normes d’encadrement annoncées pour ces structures vont osciller entre un adulte auprès de 8 à 12 enfants, sans professionnel qualifié dédié à la direction de la structure. Ce niveau d’encadrement des enfants va représenter un précédent lourd de conséquences négatives et constitue un prélude à l’application de tels taux d’encadrement dans les crèches - à ce jour d’un adulte maximum pour 8 enfants qui marchent. Les jardins d’éveil pourraient donc servir à la déréglementation de l’ensemble des équipements d’accueil des jeunes enfants. L’installation de ces services, hors responsabilité Education nationale, au sein des écoles maternelles pose aussi des problèmes juridiques de sécurité, d’assurances et responsabilités civiles, non résolus. Un taux de fréquentation minimum sera exigé sous peine de sanctions financières pour les gestionnaires, au prorata du non respect du taux d’occupation fixé.

Un manque cruel de personnels qualifiés

La pénurie de personnels qualifiés pour l’ensemble de l’accueil des enfants de moins de 3 ans est un constat avéré, reconnu, déploré depuis de très nombreuses années, mais o๠l’inertie politique est totale. Dans le « plan métier » de Mme Morano, on cherche en vain des dispositions qui permettent l’ouverture et le développement de formations d’éducateurs-trices de jeunes enfants (EJE), de puéricultrices, d’auxiliaires de puériculture, toutes formations requises en principe pour les jardins d’éveil et l’ensemble des EAJE. Les difficultés rencontrées pour l’ensemble des équipements vont donc s’avérer les mêmes pour les jardins d’éveil, sauf à les faire fonctionner, grà¢ce aux multiples dérogations légales existantes, sans les qualifications adéquates des personnels. Quid du « projet éducatif », du « projet social », du rôle éducatif dévolus à ces structures ?…

Combien d’EJE formés en plus pour la rentrée 2009 et jusqu’en 2012 ?

Quelles dispositions gouvernementales en investissement et en fonctionnement pour créer ou aider des établissements de formation, des cursus au sein de l’Education nationale, pour le développement de la formation pour l’ensemble des métiers de la petite enfance répertoriés comme les plus qualifiés ?

Des financements globalement en baisse

Actuellement l’Education nationale consacre 848 millions d’euros pour l’accueil des enfants de moins de 3 ans en école maternelle. Ces crédits ne doivent pas baisser mais au contraire augmenter. La RGPP commande l’inverse, transférant ces désengagements financiers sur les ménages et les collectivités territoriales.

Nous demandons une fois de plus que soit évaluées les dépenses des familles pour l’accueil de leurs jeunes enfants – dépenses actives mais aussi passives, quand l’un des parents est contraint à cesser son activité professionnelle et à perdre le bénéfice de son salaire.

Dans son rapport de juillet dernier, Mme Tabarot insiste sur la principale priorité du gouvernement, à l’œuvre avec la création de jardins d’éveil : « L’application des objectifs de régulation budgétaire au Ministère de l’Education nationale pourrait le conduire à poursuivre sur la voie de la diminution, voire de la suppression de l’accueil d’enfants de 2 à 3 ans à l’école maternelle, dans la mesure o๠cette mission n’est pas au nombre de ses compétences obligatoires ». On ne peut être plus clair sur les desseins réels du gouvernement !

Dans un contexte de forte augmentation démographique, 3 560 classes maternelles ont été supprimées, 1 880 écoles maternelles publiques ont fermé. La scolarisation à partir de 2 ans est passée de 35% en 2001 à 20% en 2007. Les classes existantes ont été surchargées, des scolarisations à temps partiel imposées pour utiliser des « demi postes ».

Porter atteinte à l’école maternelle est donc bien l’objectif gouvernemental.

Combien de nouvelles suppressions de places en école maternelle lors des prochaines rentrées scolaires ? Le gouvernement s’engage-t-il à au moins maintenir les effectifs des enfants de 2/3 ans actuellement accueillis par l’école maternelles ? Une réponse à cette question est indispensable. Sans cette information, quel crédit apporter aux déclarations des services de la Cnaf et de Mme Morano qui affirment que les jardins d’éveil ne se substitueront pas à l’accueil des 2/3 ans en école maternelle mais constitueront un plus dans la palette des modes d’accueil actuellement en service ?

Si les moyens ne sont pas au rendez-vous du défi que représente l’accueil des plus jeunes, cela reviendrait alors à donner raison au collectif unitaire de : «  Pas de bébés à la consigne  ».

Ce collectif est constitué d’associations de professionnels « petite enfance » et d’organisations syndicales opposées au développement d’un gardiennage généralisé des jeunes enfants. Tout le monde sait désormais combien les premières années sont décisives pour l’avenir des enfants et leur cursus scolaire et combien la qualité de son accueil participe à l’égalité des chances qui ne doit pas rester un concept incantatoire. D’autre part, un accueil de qualité est propre à développer des emplois qualifiés d’autant plus précieux en temps de crise et à répondre aux attentes légitimes des parents qui plébiscitent l’accueil collectif pour des raisons justement, qualitatives, de sécurité et de suivi des enfants.

Une France rétrograde ?

En France, nous sommes en train de faire le chemin inverse de celui qu’opèrent certains pays d’Europe, notamment les pays nordiques souvent cités en exemple par Mme Morano. Les fiches par pays qui figurent dans les annexes du rapport Tabarot sont explicites. En Suède par exemple, l’accueil préscolaire est réalisé dans des structures très proches de nos écoles maternelles o๠80% des enfants de 1 à 5 ans sont accueillis. Les enseignants de l’école maternelle et les animateurs de loisirs ont une formation pédagogique supérieure de 3 ans, comportant des options axées sur la pédagogie, la psychologie du développement, la sociologie de la famille et les activités créatrices ? C’est la loi qui fixe les exigences générales en matière de qualité des services. Le taux d’encadrement est de 5,4 enfants par adulte.

Un véritable service public d’accueil des jeunes enfants est donc possible, légitime.

Ce n’est pas la voie proposée par le gouvernement avec cette expérimentation dans un contexte de déréglementation et de reflux financier global.

Les administrateurs Cgt donneront donc un avis défavorable à l’appel à candidature pour expérimenter les jardins d’éveil, expérimentation inscrite dans les orientations de la Conventions d’objectif et de gestion conclue entre l’Etat et une majorité du Conseil d’administration de la Cnaf et à laquelle la Cgt n’a pas souscrit.