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Présidence française à l’Union

Construire des initiatives syndicales pour remettre le social au centre

Europe sociale, article CGT

mardi 8 juillet 2008, par CGT Educ’Action 94

Construire des initiatives syndicales pour remettre le social au centre

Europe sociale

La France préside l’Union Européenne. Cette Présidence s’engage dans un contexte économique, social et politique des plus difficiles et des plus négatifs, après des événements qui vont considérablement compliquer la tà¢che française :

(un article de Guy Juquel, animateur de l’espace Europe International de la CGT)

D’abord le « non » irlandais au référendum sur le traité de Lisbonne après ceux de la France et des Pays Bas sur le traité constitutionnel et depuis hier le « non » du président polonais malgré le vote positif de son parlement.

- Un nouveau jugement de la cour de justice européenne le 19 juin contre le Luxembourg sur sa transposition de la directive détachement des travailleurs, jugée trop avantageuse pour les salariés et entravant la libre concurrence sur les prestations de service faites par des entreprises sous traitantes étrangères.

- Un accord du Conseil de l’Union Européenne du 9 juin sur la révision de la directive temps de travail o๠le gouvernement français a joué un rôle moteur dans la pérennisation et la généralisation de « l’opt –out » britannique à toute l’Europe permettant la possibilité de déroger aux 48 heures hebdomadaires maximum pour aller jusqu’à 60, 65 heures par accord de gré à gré entre l’employeur et le salarié.

Nicolas Sarkozy qui comptait faire de cette Présidence un faire valoir de sa capacité à unir les européens, à rassembler les pays du bassin méditerranéen autour de l’Europe et de la France, à renforcer l’intégration européenne en matière de défense dans l’OTAN, est au plus bas dans les sondages sur le degré de confiance des français dans sa capacité à donner un nouveau souffle à la construction européenne et à faire que cette Europe réponde mieux à leurs préoccupations concrètes.

Selon le sondage des Echos, seuls 31% des français lui font confiance pour cela et 57 % pensent qu’il n’arrivera pas à obtenir de résultats.

- 53% ne le voient pas porter un projet ambitieux.

- 49 % pensent qu’il n’aura pas le tact nécessaire envers ses partenaires européens.

- 61 % ne lui font pas confiance pour favoriser la croissance économique.
Cela s’articule complètement avec ce qu’ils pensent de lui sur sa politique économique intérieure approuvée par seulement 28 %des sondés.

Cette approche négative est partagée non seulement par les ouvriers et employés, mais aussi par les sympathisants de droite.

Le contexte

Le référendum et le Non des Irlandais 53,9 % de non pour une participation de 53,1 %, c’est-à -dire très supérieure à leur participation lors du 1er référendum sur le traité de Nice. Les motivations des « nonistes » : Certes des préoccupations spécifiques à l’Irlande (avortement, fiscalité, immigration, identité) mais aussi et surtout des préoccupations que l’on retrouve dans tous les pays européens :
- une Europe qui tourne le dos « au social » et privilégie le « marché »,

- une Europe qui s’éloigne des citoyens et se construit sans eux, contre eux.

Il intervient dans un contexte o๠les gouvernements (au travers du Conseil Européen sur la directive temps de travail, par exemple), la Commission Européenne (c’est elle qui a saisi la Cour de Justice sur le Luxembourg) et la Cour de justice, elle-même (arrêts Laval, Viking, Rà¼ffert et maintenant Luxembourg) sur la non application des droits sociaux et conventions collectives nationaux pour les travailleurs des entreprises sous traitantes étrangères, c’est-à -dire le retour de « Bolkestein » ont multiplié les attaques contre les droits des travailleurs au nom de la protection des marchés et de la libre circulation.

Comme la CGT le disait dans son communiqué du 18 juin, et comme le dit la CES après son comité exécutif des 24 et 25 juin, il faut « changer de cap », « de méthode et de contenu », à la construction européenne sous peine de mettre au pilori le projet européen et d’engendrer un divorce avec ses citoyens. Il n’y aura pas d’issue par la voie de bricolages institutionnels (demander aux Irlandais de revoter sans rien changer fondamentalement ni dans le traité, ni dans les politiques européennes).

Les tchèques risquent, eux aussi, de ne pas ratifier le traité.

Il faut inverser la philosophie actuelle de la Commission Européenne, des gouvernements et de la Cour de Justice afin de faire prévaloir « le social » sur « la libre concurrence et le marché ».

Ce n’est pas seulement au travers du traité que cela se règlera mais dans les politiques concrètes (salaires, pouvoir d’achat, emploi, énergie/climat, recherche, formation) fondées sur l’objectif de plein emploi et de qualité de l’emploi, de développement durable et de solidarité sociale que cela pourra se faire.

Ce n’est sà »rement pas d’ici les prochaines élections européennes de 2009 que l’on pourra régler tout cela, ce qui posera d’ailleurs question sur l’application du traité de Nice concernant le poids de chaque pays dans le nouveau parlement européen et sur les futurs élargissements possibles (Croatie).

Cela implique une mobilisation de très grande ampleur des travailleurs en Europe si l’on veut obliger les gouvernements à renverser la vapeur mais je reviendrai sur ce point avec la perspective de la journée mondiale d’action sur le (travail décent) du 7 octobre prochain lancée par la CSI et relayée par la CES et les 5 organisations syndicales françaises affiliées à celles-ci.

Les arrêts de la cour de justice européenne

- Laval, Viking (entreprises suédoise et finlandaise) ayant fait appel à des entreprises sous traitantes étrangères (lettone et estonienne). Les entreprises sous traitantes rémunéraient leurs salariés aux conditions du pays d’origine. Les syndicats suédois engagent une grève. L’employeur saisit la Cour de Justice Européenne. La Cour juge que la grève est illégale et que le droit applicable n’est pas la convention collective du pays dans lequel se réalise le travail, puisque celle-ci n’est pas « étendue » dans la législation sociale (cela n’existe pas en Suède comme en Finlande) et que cela autorise par conséquent l’entreprise sous traitante à fixer elle même ses conditions de salaire au nom de « la libre concurrence ».

- Ruffert (entreprise allemande) cas similaire.

- Luxembourg : c’est un cas encore beaucoup plus inquiétant pour la France et la Belgique notamment qui pouvait ne pas se sentir concerné par Viking et Laval. Luxembourg dispose à la fois de conventions collectives fortes mais aussi d’une législation social nationale très forte.

Or, c’est la Commission Européenne qui a introduit un recours auprès de la Cour de Justice (ce n’est pas un employeur) contre le Luxembourg en considérant que sa transposition de la directive détachement des travailleurs étrangers allait beaucoup plus loin que la directive européenne en matière sociale.

Cela veut dire aujourd’hui que ce ne sont pas seulement les pays o๠la législation sociale est faible « nordique, anglo-saxons, allemands « mais aussi tous les autres et donc la France qui risque de se voir confronter à un recours de la Commission Européenne auprès de la Cour de Justice sur cette question.

Cela nécessite d’urgence une révision de la directive "détachement".

Cela implique l’introduction dans le traité d’une clause sociale transversale qui fasse du « social » l’objectif premier devant les « règles du marché » et qui renforce la clause de non régression par rapport aux législations nationales.

Cela nécessite bien sà »r la création d’un rapport de force de mobilisation sociale.

La directive temps de travail

L’accord du 9 juin du Conseil de l’Union Européenne (ministres de l’emploi et des affaires sociales constitue une véritable régression par rapport à la directive européenne existant sur la durée du travail. Alors que cette Directive prévoyait la fin de l’opt out, l’accord pérennise sans aucune échéance limite celui-ci à toute l’Europe.

Sur le temps de garde : l’accord considère que les périodes dites inactives du « temps de garde » ne sont pas du temps de travail effectif. La France qui avait toujours rejeté ce type de compromis a opéré un revirement complet se désolidarisant de l’Espagne, la Belgique, la Grèce, la Hongrie et Chypre et a détruit la minorité de blocage qui existait C’est maintenant au parlement européen de valider ou non cet accord. Cette question devrait venir en séance avant la fin de l’année. C’est donc en direction de cette instance qu’il nous faut intervenir si l’on veut mettre en échec cet accord et mettre fin à l’opt out. Il est envisagé de mettre cette question au cœur des objectifs de la journée mondiale d’action du 7 Octobre et de prendre une initiative de mobilisation devant le parlement( à Strasbourg) lorsque la question viendra en débat.

Les priorités affichées par le gouvernement français pour sa Présidence

Nicolas Sarkozy, sans aucune concertation avec les organisations syndicales avait affiché en aoà »t 2007 quatre priorités à la Présidence Française :

- environnement, climat,
- énergie,
- immigration,
- Europe de la défense.

Il n’a pas varié depuis sauf à ajouter la PAC (révision de la politique agricole commune). Non seulement il n’a affiché aucune priorité sociale mais avant hier il a osé affirmer que le social ne faisait pas partie du domaine européen mais du domaine national, ce qui constitue une véritable provocation et témoigne d’un mépris profond à l’égard des salariés.

Deux CDSEI (Comité du Dialogue social européen et international) ont été réunis depuis, le dernier le 19 juin avec 3 ministres (X. Bertrand, JP Jouyet, M. Hirsch, un commissaire européen : SPIDLA) et Bernard Brunhes à qui avait été confiée la mission d’explorer un agenda social rénové pour l’Europe.

Contrairement à ce que vient d’affirmer Nnicolas Sarkozy, Xavier Bertrand a tenu à indiquer qu’il faisait, pour sa part, une priorité du volet social durant la présidence française. C’est l’objet de la rénovation de l’agenda social européen pour lequel B. Brunhes devait faire des propositions. Il a défendu le bien fondé de la position française sur le temps de travail. Il a indiqué qu’il attachait beaucoup d’importance à faire avancer la révision de la directive comités d’entreprise européens.

Vladimir Spidla a soutenu, lui aussi, l’accord sur la directive temps de travail. Pour lui l’opt out est mieux encadré.

Jean Pierre Jouyet a indiqué qu’après le non irlandais il fallait écouter les autorités irlandaises. La France ne souhaite pas un coup d’arrêt aux ratifications du Traité. Il a souligné que le Traité de Lisbonne était le meilleur compromis possible. Il veut parvenir à une issue avant les élections au Parlement Européen.

La CGT est intervenue pour indiquer que la priorité sociale affichée par Xavier Bertrand ne faisait toujours pas partie des priorités affichées par le Président de la République. Nous avons poursuivi en indiquant que dimension sociale veut dire dialogue social renforcé et respect des partenaires sociaux. Ce n’est pas l’exemple donné avec le projet de loi sur les 35 heures en France, ce n’est pas non plus l’exemple donné au niveau européen avec le rôle joué par la France pour accepter le compromis du Royaume Uni sur l’opt out.

Concernant l’emploi, nous avons indiqué que le rapport Brunhes insiste sur des recettes déjà éprouvées sur « faire évoluer les prestations des sans emplois pour les inciter à l’emploi », c’est un chantage à la suppression des indemnités.

Concernant la proposition faite d’un nouveau contrat social, la solution centrale proposée est celle de la « flexsécurité », or nous venons de voir que la conception mise en œuvre de celle-ci partout en Europe est celle de plus de flexibilité dans les contrats de travail, moins de possibilités de recours juridiques pour les travailleurs, pas de renforcement de l’indemnisation du chômage et pas de sécurisation réelle des parcours professionnels

Sur la révision de la directive comités d’entreprise européens, nous avons soutenu la nécessité de faire avancer ce dossier, tout comme celui d’une directive sur les services sociaux d’intérêt général.

Sur la question immigration, nous avons indiqué que nous partagions le souci du rapport Brunhes de travailler sur l’insertion, l’égalité d’accès au travail pour les travailleurs migrants, la non discrimination. Ce n’est pas du tout l’objectif du pacte pour l’immigration proposé par Nicolas Sarkozy qui est profondément discriminatoire et sécuritaire.

Perspectives de la journée mondiale d’action du 7 octobre

La Confédération européenne des syndicats a décidé de faire du 7 octobre une journée européenne d’action sur « travail décent, salaire décent et temps de travail décent ».

En France, un accord à 5 (CGT, CFDT ,FO ,CFTC ,UNSA ) est intevenu pour une grande initiative parisienne, rassemblement, concert, témoignages syndicaux, place du Trocadéro, à coté du parvis des Droits de l’Homme », de 17h à 20 h.

L’objectif visé est de rassembler 10 à 15 000 participants, plus si possible. Les artistes qui ont donné leur accord pour une participation sur le plateau sont : Cali (France), Idir (Algérie), Manu Djbango(Afrique), 1 groupe pop anglais, un groupe jazz danois, un groupe traditionnel hongrois. John Monks (CES)et Guy Ryder (CSI) prendront la parole ainsi que des représentants de délégations syndicales d’autre pays européens.

Avec l’actualité française (temps de travail, retraites, pouvoir d’achat et salaires, sécurité sociale) et européenne (temps de travail, arrêt de la cour de justice), il s’agit de s’appuyer sur l’opportunité du 7 octobre pour en faire une grande journée de mobilisation et d’action et d’interpellation de la présidence française de l’UE, partout dans les entreprises, départements, régions et au plan national en France et dans le monde. L’objectif est de mobiliser pour l’initiative parisienne mais aussi pour d’autres initiatives partout en France dans les entreprises, les départements, les régions.


Le dossier de la CGT : Présidence française à l’union